Violence à l’école : la faute aux quartiers ?

Publié le 25 janvier 2012 Mis à jour le 10 octobre 2022

Benjamin Moignard, maître de conférences en Sociologie, laboratoire CIRCEFT (équipe REV), Observatoire Universitaire de l’Éducation et la Prévention.

Si la tradition républicaine a favorisé une tendance à la sanctuarisation de l’école pour des raisons idéologiques visant l’affermissement de la République et la promotion de la laïcité, sa fermeture est aussi devenue depuis les années 1980 un moyen de se protéger de difficultés liées au « quartier ». Difficultés d’abord devant la réalité de la démocratisation de l’enseignement et l’arrivée massive d’élèves à besoins spécifiques dont les dispositions scolaires ne sont plus forcément établies par le milieu social d’origine, mais que l’école doit participer à structurer. Le modèle scolaire français doit se transformer, sans vraiment y parvenir : le rapport aux savoirs socialement différencié des élèves participe de la construction des inégalités scolaires et des malentendus devant l’apprentissage, en particulier dans les zones urbaines défavorisées. Difficultés ensuite devant l’environnement extérieur qui peut générer un sentiment de menace, alors que l’avènement des violences urbaines comme nouveau problème social dans les années 1990 accrédite l’idée de nouvelles formes de violences collectives dans les quartiers. L’écart entre les normes sociales du quartier et celles portées par l’institution scolaire semble se creuser inexorablement, alimentant les attitudes d’opposition à l’ordre scolaire traduites sous la forme d’une contagion de l’école par la rue qui reste d’une actualité redoutable. C’est dans ce contexte que le « problème de la violence à l’école » est devenu une pièce maitresse du jeu de l’école démocratique contemporaine. En France, ce phénomène est particulièrement associé à la situation d’établissements situés dans des quartiers défavorisés. La violence à l’école y est souvent réduite à un problème de contagion de l’école par la rue, contre lequel le moyen de lutte privilégié consiste à restituer l’imperméabilité au monde d’un hypothétique sanctuaire républicain. La violence à l’école est devenue un problème social sans que soient toujours interrogés la réalité qu’elle désigne ni les moyens efficaces pour le prévenir.

Cette conférence cherche donc à éclairer cette notion d’un point de vue scientifique et propose une réflexion sur la question à partir de recherches comparatives en France et à l’étranger. Nous chercherons à cerner, en les contextualisant, les éléments qui sont susceptibles de prévenir ou au contraire d’alimenter la violence à l’école. Nous nous intéresserons ainsi aux formes d’organisation des systèmes éducatifs et à leur impact sur le phénomène de la violence à l’école, aux politiques publiques mises en place pour traiter la question, aux projets d’établissement et aux pratiques d’acteurs mobilisés auprès des élèves. Nous verrons ainsi que le lien d’évidence entre violence et environnement social est loin d’être aussi évident que le sens commun le suppose.