La bibliothèque de Bonneuil expose les collections des anciennes Écoles Normales jusqu'au 20 décembre.
"Plus le corps est faible, plus il commande, plus il est fort, plus il obéit."
Jean-Jacques Rousseau, Émile ou de l'éducation, 1762.
De la
gymnastique à l’éducation physique et sportive,
la place du corps à l’école traduit l’évolution de ses représentations au fil du temps. Pour
le corps médiéval, conçu comme liquide, évacuer les humeurs constitue le principal exercice : pour fortifier la poitrine il s’agit de crier et pour transpirer, de chauffer une pièce.
Au début du XIXe siècle, le corps pensé
sur le modèle de la machine va demander une
gymnastique et contester le maintien figé du corps aristocrate au moment du formidable développement industriel. Cette gymnastique va se trouver correspondre aux besoins de l’école : le découpage du corps en
parties, la décomposition en mouvements
élémentaires et leur
répétition en série permet aux maîtres d’exercer un contrôle simultané sur un groupe d’enfants.
L’école, construite sur le mérite intellectuel, est convaincue de la nécessité de
discipliner le corps pour accéder aux
choses de l’esprit. Avant même les grandes lois scolaires de 1882,
Jules Ferry fait voter une loi qui concerne non pas
l’éducation intellectuelle mais
l’éducation des corps.
En 1880, il rend obligatoire,
uniquement pour les garçons, une gymnastique largement consacrée aux
exercices militaires et appliquée au sein de
bataillons scolaires. L’éducation physique, dans une école primaire délibérément séparée de l’ordre secondaire va se trouver longtemps assujettie à des dimensions
militaires, hygiénistes ou économiques :
« L’école primaire peut et doit faire aux exercices du corps une part suffisante pour préparer et prédisposer en quelque sorte les garçons aux futurs travaux de l’ouvrier et du soldat, les filles aux soins du ménage et aux ouvrages des femmes ». Arrêté du 27 juillet 1882.
Au cours du XXe siècle, l’introduction progressive du
sport va reposer la question des
valeurs éducatives, en lien avec les questions de
performance et de
compétition, et rendre encore une fois manifestes les enjeux de
mixité et d’
égalité entre les corps masculins et les corps féminins.
Il peut paraître paradoxal de parler de
manuels scolaires dans une discipline comme l’
éducation physique. La plupart ne s’adresse pas aux élèves mais aux enseignants, et ne montre dans un premier temps que des
corps adultes et masculins. Explorer leur évolution, à travers les
collections des anciennes Écoles Normales, est l’occasion de se questionner sur les
représentations du corps de l’enfant, la division entre le corps et l’esprit dans la classe, les
différences de genre, ainsi que sur les
méthodes pédagogiques et les
finalités même de l’éducation.
Une exposition à découvrir jusqu’au 20 décembre 2024, et à approfondir lors de visites guidées et d’ateliers de recherche.
Bibliographie
> Histoire de l'éducation physique et sportive
Sitographie
> L'identité de l'éducation physique à l'école primaire (1880-1998), Thierry TERRET